Conventions citoyennes : le piège sucré d’une démocratie d’apparence
- Agnès Le Brun
- il y a 4 jours
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Dans une tribune, Agnès Le Brun, conseillère régionale et ancienne maire de Morlaix (29), donne son point de vue sur la démocratie participative exercée au travers des conventions citoyennes.
Elles se présentent comme l’outil miracle d’une démocratie fatiguée, le remède « sucré » supposé réconcilier les citoyens avec la décision publique. Les conventions citoyennes, tirages au sort et délibération participative à l’appui, séduisent par leur promesse : faire entrer « la vraie vie » dans le monde de la décision politique. Mais derrière ce vernis d’innovation démocratique se cache trop souvent une illusion soigneusement entretenue, qui dessert autant la démocratie qu’elle prétend la revitaliser.
Le premier écueil est celui de l’artifice participatif. Ces dispositifs sont présentés comme une rupture avec les institutions traditionnelles. En réalité, derrière une mise en scène prétendument dépolitisée du débat, l’ordre du jour est fixé d’en haut, les sujets cadrés et les conclusions rarement prises au sérieux par ceux-là mêmes qui le sont commandées.
Le serpent de mer de la décentralisation, sujet breton par excellence, et les promesses électorales de Loïg Chesnais-Girard diluées dans le calendrier ont abouti à ce que le président de la Région Bretagne propose une convention citoyenne en 2026, censée aborder le sujet de la façon la plus démocratique qui soit. Vraiment ? Le tirage au sort est surtout un alibi commode pour contourner le suffrage et permet d’entretenir l’illusion de la représentativité. Parce qu’on tirerait au sort quelques dizaines de Bretons, on prétendrait faire parler « le peuple ».
Or, l’échantillon, même divers, ne remplace pas le pluralisme que seule l’élection garantit : confrontation de visions, responsabilité devant les électeurs, arbitrage politique assumé. Ce « mini-peuple » n’est pas le peuple et prétendre l’inverse fragilise la souveraineté populaire au lieu de la renforcer.
Enfin, ces conventions, on l’a vu par le passé au niveau national - climat, fin de vie -, servent souvent de paravent commode. On les convoque lorsque le pouvoir ne veut pas trancher ou assumer : « La convention a dit », donc on applique - ou, plus cynique encore, on ne fait rien mais on communique sur « l’écoute attentive ». C’est la démocratie en sous-traitance : on délègue le débat mais pas la décision. On remplace un choix politique par un pseudo-consensus soigneusement médiatisé. Puisque, finalement, ce qui compte, dans ce monde nouveau, c’est la communication.
La démocratie, certes bien malade, n’a pas besoin de gadgets ni de poudre sucrée pour faire avaler l’absence de courage. Elle a besoin de citoyens informés, de débats contradictoires, d’institutions qui écoutent et se connectent au pouls de la vie quotidienne mais aussi d’élus, qui décident, expliquent et rendent des comptes.
La participation citoyenne doit enrichir la réflexion politique, non dispenser de vaillance ceux qui ont été élus pour prendre des décisions et les assumer. Réinventer le civisme et la confiance est plus que nécessaire mais cela ne se fera pas par des dispositifs épisodiques, sortis d’un chapeau, soigneusement scénarisés, vertueux en apparence, démagogiques en réalité, mais par un investissement durable dans l’éducation au débat, à la curiosité et la tolérance pour un avis contraire au sien, l’esprit critique.




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