« La Bretagne est indissociable de la souveraineté française »
- Agnès Le Brun
- 25 avr. 2023
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Agnès Le Brun, conseillère régionale et ancienne députée européenne, réagit à la publication du livre « Silence dans les champs » de Nicolas Legendre.
« Annoncé par un quotidien parisien du soir, et relayé médiatiquement, l’ouvrage récent de Nicolas Legendre, journaliste correspondant du même quotidien et Breton natif, prétend dénoncer une agriculture bretonne qui subirait plus l’omerta imposée par quelques puissants productivistes qu’elle ne participerait activement et vaillamment à la souveraineté de l’agriculture française. Tous les ingrédients sont donc réunis pour déchaîner les passions, verser de l’huile sur le feu et provoquer un psychodrame dont le contexte tourmenté et agressif actuel se saisit avec avidité, tant les polémiques bavardes sont plus audibles que la réflexion posée et dialoguée ou l’examen des chiffres, qu’une analyse paresseuse et aveugle évite souvent de remettre en question.
Non, par exemple, il n’est pas exact d’affirmer que produire un kilo de viande consomme 15 000 litres d’eau. Faut-il encore rappeler la place de la Bretagne dans notre indépendance alimentaire, aujourd’hui affaiblie ? La première politique européenne commune était d’abord l’expression collective d’une volonté politique déclinée en deux temps : mettre autour de la table le charbon et l’acier, principaux outils de la guerre, en créant la Ceca, et rédiger la première politique agricole commune dont la feuille de route, en 1962, était claire : assurer l’autosuffisance alimentaire.
Alors, oui, il fallait produire pour nourrir. La Bretagne, corne d’abondance naturelle, a eu la fierté de s’engager sur ce chemin et il faut lui dire merci au lieu de la stigmatiser. Qu’il y ait eu des erreurs, des hésitations, des ignorances ou des excès découverts au fil des avancées des recherches agronomiques et des prises de conscience, certes. Mais un champ n’est pas une feuille de papier.
Aujourd’hui comme hier, les mentalités évoluent et chaque agriculteur connaît la nécessité de préserver sa ressource. Les hommes et les femmes qui font vivre un segment essentiel de l’économie bretonne en emplois directs et indirects ne sont pas déconnectés et encore moins déracinés. Ils vivent et travaillent au pays avec leurs enfants et leurs familles et consolident au sein de l’Union européenne l’identité française. La publicité faite autour de la déploration d’un système qui serait quasi mafieux fait soigneusement l’impasse sur quelques réalités incontestables : aller regarder de près les productions françaises est plus facile que de s’intéresser aux marchandises importées et à la façon dont elles sont produites. Le mythe du « small is beautiful » non seulement conduit à une agriculture de la précarité mais aggrave l’accès à l’alimentation pour tous.
La repentance permanente oublie d’aller visiter, les portes sont ouvertes pourtant, des producteurs et des éleveurs qui, depuis des années, se soumettent à une surtranscription française du droit européen, bien plus exigeante. La sécurité alimentaire de la France est unique au monde. Mais ceux qui alimentent la gazette des bons et des méchants ne travaillent pas d’arrache-pied pour faire connaître leur métier et tenter de corréler l’offre et la demande tout en œuvrant à responsabiliser les consommateurs. Si alimenter le débat pour ouvrir la réflexion est utile, jouer les pompiers pyromanes ou opposer des modèles qui devraient par nature se détester dans une Europe concurrentielle est une erreur car, plus que jamais, nourrir sans distinction sociale est indispensable. »




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